Stéphane Polly

Un rayon de soleil dans la cuisine ardéchoise

Vals-les-Bains est une charmante commune de l’Ardèche tout particulièrement connue, depuis la fin du dix-neuvième siècle, pour ses thermes ce qui, en toute logique, donna naissance à l’ouverture de nombreux hôtels et à la construction d’une pléthore de villas. Le succès grandissant de son eau dans le traitement de maladies spécifiques en a fait un lieu de rendez-vous international où la gastronomie a aussi son mot à dire, jusqu’à aujourd’hui encore.

Traverser le plateau ardéchois est une superbe façon d’arriver, ou de repartir, de Vals-les-Bains et une fois sur place, loger à l’hôtel Helvie est un excellent moyen de découvrir la ville. C’est certainement également la meilleure manière d’en découvrir la gastronomie, surtout en s’installant à la table de l’hôtel, le restaurant Le Vivarais, une maison bien référencée dans les guides. En cuisine nous retrouvons Stéphane Polly que nous avions déjà eu le plaisir de croiser et dont nous avons eu le bonheur de vivre la table il y a quelques années. Promesse tenue nous sommes revenus rendre visite à ce chef originaire de l’Isère, de Salaise-sur-Sanne plus exactement, où ses parents tenaient un petit restaurant, celui de la Gare. Si sa sœur ne veut rien entendre du métier, lui se passionne très vite. “Observer mes parents travailler m’a vraiment stimulé et m’a donné l’envie de poursuivre dans la même direction que mon père. Pourtant c’était un petit restaurant sans prétention où à midi l’on faisait à manger pour les ouvriers alors que les soirs et les weekends mon père se permettait de faire des choses plus sympathiques. Aussi il était ami avec Guy Thivard qui à l’époque était chef de La Pyramide de Fernand Point et ces rencontres-là, gamin, elles te font rêver.” Stéphane donne un coup de main tous les étés chez son père et son envie de travailler est si forte que seule la voie de l’apprentissage lui convient. Il entame ce dernier au Le Relais du Pilat, à Chavanay. Ce fut l’occasion selon lui d’une rencontre avec un chef extraordinaire, rigoureux, passionné et entièrement voué à sa clientèle. C’est là que l’on lui inculque les premières grandes règles de l’apprentissage et c’est là qu’il découvre sa seconde passion, le vin. Il faut dire que se retrouver au milieu de vignerons de Côte-Rôtie, de Condrieu ou de Saint-Joseph ne laisserait personne de marbre.

Moment très dur

Sa deuxième expérience a pour décor Péage-de-Roussillon, au côté d’un chef ayant travaillé à La Pyramide à Vienne. Il s’agit à nouveau d’un personnage passionné, doublé d’un grand saucier. C’est alors l’heure de l’apprentissage de l’une des plus grandes bases de la cuisine française, les fonds et tout ce qui en découle. S’ensuit pour Stéphane une opportunité offerte par un ami de son père qui tient une grosse brasserie et souhaite proposer une cuisine de facture bistronomique. Stéphane n’a que vingt ans et il se trouve pour la première fois face à un poste aux nombreuses responsabilités, “C’est là que tu as tout intérêt à vite apprendre et à bosser à fond, ce fut une belle école pour moi.” Après le monde de la brasserie, il apprend à connaître celui des banquets et des mariages en plus de travailler à une belle table. Au Château de Clavel, c’est en effet un tout nouveau monde que découvre notre chef, une toute autre organisation qui elle aussi lui servira à l’avenir. C’est ensuite à Grignan qu’il se dirige, au Manoir de La Roseraie où il rencontre le premier obstacle de sa vie professionnelle. “C’était un restaurant gastronomique et le patron qui m’avait embauché n’était pas du métier, ce qui en soit ne posait pas de problème. En revanche, être chef de cuisine à l’âge de vingt-trois ans et diriger des chefs de partie de trente ans a été un moment très dur pour moi au cours duquel je me suis posé beaucoup de questions. Fort heureusement mes patrons m’ont beaucoup soutenu et ils étaient comme une famille. Ils m’ont donné l’occasion de faire de nombreux stages, moi qui ignorais encore tant de chose du monde extérieur.” Formation Escoffier, école Ducasse,
école nationale de pâtisserie, Stéphane rajoute plusieurs cordes à son arc et s’imprègne des techniques les plus récentes. Il passe dix années de sa carrière dans cette maison de Grignan.

Magique

Stéphane poursuit ensuite sa carrière avec un poste de chef au Domaine de la Valdaine qui inclut un golf, un hôtel et surtout une brasserie, un restaurant gastronomique
et une grosse activité de banquet, trois domaines que Stéphane maîtrise bien et c’est alors qu’il se fait démarcher par un Belge propriétaire de casinos, de jeux en ligne et d’une table de jeu. Son projet est de racheter un hôtel et restaurant dans l’optique d’y développer une grande table. Nous sommes en 2007 et tout part de zéro. Stéphane participe à la construction de la cuisine et à l’installation de son équipe pour, huit années plus tard, en 2015, être distingué par les guides. Voilà treize ans que l’aventure a commencé et il n’a nullement l’envie de bouger. Quelles sont ses raisons? La région d’abord. “Elle est magique et elle m’apporte beaucoup par sa simplicité et ses produits.
Puis elle offre un dépaysement total. Si tu montes sur le plateau tu as les herbes et les champignons, autour de Vals tu as de l’agneau puis sur le haut plateau tu trouves de la myrtille sauvage ou du Fin Gras de Mézenc avec des éleveurs qui travaillent encore à l’ancienne, du veau extraordinaire. Et ne parlons même pas du gibier, de la présence massive de maraîchers ou encore de la laiterie Carlier à laquelle nous sommes tous attachés. C’est une région incroyable.” Nous avons véritablement aimé la cuisine de Stéphane, d’une honnêteté à toute épreuve et certainement représentative de l’humilité de ce chef. Les saveurs sont bien présentes et marquées, aucun faux semblant, c’est une cuisine de caractère parfaitement bien maîtrisée. Comment notre chef la décrit-il? “Disons qu’elle connait des connotations méditerranéennes car j’aime ce qui est léger tout comme j’aime aussi l’huile d’olive. Et pourtant je suis originaire d’une région où la crème et le beurre sont rois. Donc j’aime travailler des pistous, des risottos, des choses que je peux associer au terroir ardéchois en essayant d’alléger un peu. Il faut comprendre que la cuisine d’ici, de ce terroir est une cuisine assez lourde, roborative car les gens avaient froid et n’étaient pas particulièrement riches. Si ce n’était pas de la soupe de châtaignes c’était de la maouche, de l’estomac de porc farci; des plats un peu lourds que nous réinterprétons en les allégeant et en les mettant au goût du jour, en les rendant un peu plus tendance.” L’Ardèche est d’ailleurs omniprésente en ce lieu et ce jusqu’au petit-déjeuner où l’on retrouve les excellentes charcuteries du grand Christophe Guèze. Voilà en endroit où il fait bon vivre, où l’accueil se fait en toute sympathie et où la table répond largement à toutes les espérances.

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