Paul Fourier – La Pomme Cannelle

Nouveau Ami Saisonnier

L’on en parle peu ou pas assez du Grand-Duché de Luxembourg. Au carrefour de la Belgique, de la France et de l’Allemagne, c’est pourtant un pays qui ne s’en laisse pas conter lorsqu’il s’agit de grande cuisine. La preuve en deux opus.

Il nous vient de Flandre-Occidentale Paul, de Bruges plus exactement, une ville où la gourmandise ne fait jamais défaut. Ce sont d’ailleurs de nombreuses sorties au restaurant en famille et une sœur qui possède un hôtel-restaurant dans la Venise du Nord, où Paul s’active en salle durant les weekends et les vacances, qui l’incitent à s’inscrire à l’école hôtelière Ter Groene Poorte, toujours dans cette même ville. Trois années d’école et quelques stages plus loin et Paul entame sa carrière chez un très grand Monsieur de l’époque, Robert Bardot, Meilleur Ouvrier de France et chef de l’emblématique restaurant Le Flambard à Lille. Il fut l’un des grands protagonistes français de la Nouvelle Cuisine. “C’était ma tout première place après l’école et je ne parlais pratiquement pas le français. Moi, tout frais sorti de mes études, je me prenais déjà pour Bocuse. J’ai vite déchanté et vite compris que je n’étais nulle part. C’était le dépaysement total et un chef qui faisait trembler dès l’instant où il descendait les escaliers en cuisine.” Fort de ce bagage il retourne dans sa ville natale, au restaurant De Zilveren Pauw. C’est l’époque où les écoles hôtelières observent de près leurs meilleurs éléments afin de leur offrir l’opportunité d’entrer dans de grandes maisons et c’est le cas de Paul qui profite ainsi de l’occasion unique de rentrer à L’Oasis de Michel Beyls.
Il passe également par la Cravache d’Or et par l’Écailler du Palais Royal, autres grandes maisons de la capitale belge. À Bruxelles, les maisons reconnues passent de main en main à cette période, elles s’achètent puis se revendent et c’est le cas de La Cravache d’Or qui voit un nouveau chef français arriver, passé chez Meneau et la Gaichel auLuxembourg, un certain François Adam.
Paul viendra le seconder. Puis il décide d’un départ aux Bermudes, une aventure de quelques jours soldée par un échec avant de revenir à L’Oasis, comme second de cuisine. Un poste qu’il n’occupera que… vingt-quatre heures seulement. En effet, le chef en place ne répond pas aux critères de la maison, n’en fait qu’à sa tête et se voit remercié par la direction. Paul a vingt-quatre ans et se retrouve à la tête d’une institution alors qu’en salle, ou plutôt aux vins, officie un certain Eric Boschman. Paul travaillera à l’Oasis jusqu’à sa fermeture.

Cuisinier de l’Année

Démarre ensuite l’aventure du Château d’Hassonville à Marche-en-Famenne, un lieu qui part de rien mais que Paul amène très loin culinairement pour y être même élu ‘Cuisinier de l’Année’ en 1997 et se voir très bien coté. Neuf années de consécration. “Tout cela m’a joué des tours car j’avais pris la grosse tête. J’ai tout quitté et je suis parti aux États-Unis.” Durant deux années il officie en tant que chef de cuisine à l’ambassade de Belgique à Washington. Un peu fatigué des dîners officiels il revient en Belgique avec la ferme intention de s’installer. C’est alors qu’il ouvre La Gourmandine, un hôtel-restaurant à Nassogne. Nous sommes en 2002. Douze années plus tard il prend la décision de tout revendre. Un beau challenge s’offre alors à Paul, l’un de ses gros clients est en passe d’ouvrir un lieu avec d’autres actionnaires: La Barrière de Transinne. Paul a carte blanche et a l’assurance de pouvoir s’occuper de tout, du dessin de la salle à celui de la cuisine. Seulement voilà, il doit vite déchanter. Quand plusieurs personnes ont pouvoir de décision, leurs avis divergent souvent, Paul jette l’éponge et quitte les lieux. Toujours en contact avec son ami René Mathieu, du Château de Bourglinster, Paul cherche ensuite à s’installer au Grand-duché de Luxembourg. Il y a bien quelques places, mais elles se trouvent malheureusement dans le fin fond du pays, jusqu’au jour où il tombe sur une annonce du restaurant La Pomme Cannelle, l’épicentre gastronomique de l’hôtel Le Royal à Luxembourg-Ville.

Parfaite osmose

L’Hôtel Le Royal est un superbe hôtel de deux-cent-dix chambres et suites situé au cœur de la ville, à quelques pas du quartier financier comme du cœur historique, si l’on évoque la Place d’Armes ou encore le Grund. Connu pour son luxe et son raffinement, c’est d’ailleurs le seul hôtel à jouir de cinq étoiles Superior au Luxembourg. Si le tout nouveau restaurant Amélys vous propose
une cuisine plus traditionnelle, La Pomme Cannelle, elle, a connu plusieurs signatures comme celles de Cyril Molard, d’Anthony Péan et, depuis trois années maintenant, de Paul Fourier, Maître Cuisinier de Belgique bien décidé à faire de ce lieu un passage incontournable pour les gastronomes qui visitent le Grand-duché. “Je travaille ici comme s’il s’agissait de ma propre maison et fort heureusement j’ai carte blanche. Puis nous formons une équipe soudée avec Nicolas mon second qui m’a suivi depuis La Barrière de Transinne ou encore Kevin ou Lionel Marchand, le chef-pâtissier qui fait un travail remarquable, ce qui lui a d’ailleurs valu le titre de Pâtissier de l’Année en 2019. Ma collaboration avec le chef exécutif Patrice Noël est par ailleurs intense et je travaille en très bonne entente et en parfaite osmose avec la salle et son responsable Sébastien Ambrosino. Nous cherchons d’ailleurs à donner plus de vie au restaurant en proposant quelques belles découpes devant le client. C’est ce genre de supplément d’âme qui fait revenir les gens.” Parler de sa cuisine, de son style peut quelquefois s’avérer un exercice difficile pour certains chefs et c’est le cas pour Paul. “J’ai toujours eu du mal à évoquer mon style et que dire d’autre si ce n’est que c’est le mien? Disons que je n’aime pas juxtaposer des dizaines de choses sur un plat. Souvent l’on rencontre des plats trop axés sur le visuel avec une surabondance de petites choses qui déséquilibrent une assiette. De mon côté cela part du choix du produit. Quand un client commande un pigeonneau ce n’est pas pour toutes les garnitures qui l’accompagnent. Il faut qu’il y ait de l’harmonie dans une assiette, du punch et cela part, pour moi, d’un produit, d’un ou deux accompagnements et surtout d’une très bonne sauce. Puis intervient un trait majeur de ma cuisine, la constance. Il faut qu’à chaque fois que tu reviennes, que tu dégustes le même plat, qu’il soit identique et du même niveau.”

Communauté

La clientèle luxembourgeoise, nous explique notre homme, est une clientèle qui prend le temps d’observer ce que tu fais, si tu restes. C’est alors seulement qu’elle se décide à venir s’attabler chez toi. “C’est un peu tout l’inverse de la Belgique où tout le monde se rue dès qu’il y a une nouvelle ouverture. Mais peu à peu nous jouissons d’une belle clientèle d’hommes d’affaires, des habitués qui déjeunent ici plusieurs fois par semaine et reviennent le soir avec leur épouse. D’un autre côté nous avons cette clientèle qui passe des journées en séminaires et qui le soir préfère sortir en ville pour se détendre puisque nous sommes proches de tout.” Le Luxembourg vs la Belgique? “J’ai été surpris par pas mal de choses comme l’esprit d’échange qui domine ici. À mon époque, en Belgique, quand un chef avait un bon fournisseur, il se le gardait jalousement alors qu’au Luxembourg nous nous échangeons les adresses. Puis s’il y a une belle diversité, on se retrouve au sein d’une belle communauté où personne n’a le melon.
On fait moins attention ici à ce que tu sois référencé dans un guide ou pas. Tout le monde est sur le même pied d’égalité et cela génère une belle entraide, une forte dynamique. C’est une vraie communauté de chefs, tous humbles et chacun bosse ici pour représenter le pays du mieux qu’il peut.” N’hésitez pas, c’est sur le Boulevard Royal que cela se passe et les photos qui suivent parlent d’elles-mêmes.

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